L’Exil renversé
Qui sont les autres ? C’est la question que pose mounir fatmi aux passants dans sa vidéo Le dernier arrivé est étranger. Comme en écho de cette même interpellation de l’écrivain Mohammed Dib à quelques philosophes français, dont Jacques Derrida, en une époque où il n’existait pas encore de « jungle » à Calais. On ne remarque pas l’absence d’un inconnu écrit Philippe Cazal. Il n’y a pas d’autres. Car nous sommes tous les autres des uns et des autres. C’est ce que ne comprendront jamais ces Nations dont Jean-Baptiste Audat met en scène le sommeil repu. Les seuls drapeaux supportables ? Ceux, mutants, sur lesquels se tiennent les personnages mis en scène par ORLAN dans ASILE–EXIL. Ou pourquoi pas l’étendard de la Refugee Nation, version contemporaine du drapeau pirate, pour que nos exils d’aliénés deviennent des voyages explosant nos frontières mentales et physiques, de l’intérieur et de l’extérieur. Rions, avec le groupe UNTEL, des touristes, en chemise, qui se croient partout chez eux alors que leurs yeux ne perçoivent que le vernis du monde. Guy Limone, créant sur son l une brochette colorée de petits soldats migrants, ou Pierre Desfons, transformant un tapis de souris d’ordinateur en tapis de prière face au soleil noir du désastre extrême de Daech, renversent eux aussi la notion d’exil.
Chacun selon les ombres et lumières de leur histoire, donc de leurs oeuvres, à l’instar les artistes du Pavillon de l’Exil réinventent leur propre exil, critique, décalé ou jubilatoire, contre cet exil que cherchent à nous imposer ces pouvoirs qui torturent, expatrient, assoiffent, exploitent ou décervellent.
- Lieu :
– Marseille
19 rue de la République
© ORLAN, Asile Exil, 25’52’‘, 2011